samedi 22 avril 2017

Vagabondage et Relations

Je reviens aujourd'hui sur mon blog. Le soleil brille, il fait très chaud, les gens me sourient et sont heureux. 1 mois et 30 jours, voilà précisément le temps qu'il me reste à passer à la Ferme Enchantée. Je me suis réveillée ce matin en réalisant que le compte à rebours était lancé depuis le début, mais plus les jours passent, plus il prend de la place dans ma tête. C'est compliqué d'avoir des projets, de vouloir construire des fortes relations dans ce genre de situation, je ne veux pas blesser par mon départ et je ne veux pas être blessée. Mais je me dis que c'est comme ça et je ne veux pas me priver de cette richesse sociale non plus. Et puis de toute manière c'est trop tard, ces relations sont déjà construites maintenant.
Je viens de terminer un livre qui m'a fait beaucoup réfléchir sur notre quotidien, sur l'émerveillement et notre comportement de tous les jours, il s'appelle "Manifeste vagabond" je l'ai découvert par hasard dans le dortoir où je suis. Je voulais vous partager un extrait :

"J'ai répété à voix haute ces mots de Thoreau : "Si nous prenions un instant pour cheminer en notre misérable compagnie, si nous ne souhaitions aucun mal, si nous cessions d'exister pour devenir pareils au cristal qui reflète un rayon de lumière, que ne refléterions-nous pas ! Quel univers apparaîtrait tout autour de nous, cristallisé et lumineux !"
Nous sommes des phares dans la nuit qui balancent leurs rayons dans l'inconnu. Parfois cette lumière sauve, le plus souvent elle tourne dans le vide. Qu'importe. Le vagabond se contente de rayonner. Ses actions ne sont pas rentables, elles visent la grâce. Il vit pour la beauté du geste.
Le vagabond est d'abord un homme relié à la dimension sensuelle et spirituelle de son être. Les pieds soudés à la terre, il croit aux elfes, aux esprits des bois. Ses vibrations trouvent un écho dans la nature. Sa façon d'être au monde est fondatrice.
Les scientifiques soutiennent que le battement d'ailes d'un papillon peut modifier la genèse d'un cyclone. Nos émotions pourraient alors avoir une répercussion sur l'énergie globale de la planète. L'air devient irrespirable dans le malheur. Conscients de l'unité organique de l'univers, nous devenons responsables de ce que nous donnons au monde.
La nature ignore la dualité. Elle est une inspiration et une expiration continues. Lorsqu'elle reprend son souffle, c'est la seconde magique ou tragique. L'éclosion de la vie.
[...] Ce n'est pas la tempête que l'on aime, mais le bateau qui en revient. Ce ciel déchiré semblait me dire : sois comme un soleil d'orage. Rayonne dans le tourment.
Comment ne pas avoir confiance en la vie face à une telle splendeur née du chaos ? Tous mes voyages, mes quêtes, mes errances m'ont mené à cette injonction : aime au-delà des apparences. Cherche le merveilleux. Il est là, toujours en attente. Les soleils d'orage nous montrent la voie : toute déchirure est ouverture."
Ces mots ont raisonné en moi et je les ai trouvé très justes.
Je voulais vous parler d'autre chose aussi, lundi dernier, ma responsable de stage a parlé devant toute une assemblée qui rassemblait les volontaires, les étudiants de la ferme et quelques personnes de la communauté. Elle a parlé d'un point sensible de sa vie, pour faire court elle a revu son père il y a peu qu'elle n'avait pas vu depuis 15 ans. Elle a eu pas mal de problèmes dans sa famille à cause de cela.
C'est une femme que je vois tous les jours, concrètement elle court partout, elle a beaucoup de responsabilités ici et elle s'est forgée une sorte de carapace à émotions. Elle porte énormément sur ses épaules et je l'ai vu très peu souvent se reposer ou prendre du temps pour elle. Je m'entends bien avec elle mais je n'ai pas plus de relations avec elle que ça.
La voir raconté ce passage difficile de sa vie devant tout le monde et fondre en larmes m'a profondément touché. Mais je crois que les larmes montrent simplement qu'elle est humaine, comme chacun, que malgré qu'elle soit ma "supérieure" et celle de beaucoup de personnes dans la ferme, elle n'a pas eu honte de raconté son histoire. Cela la rend d'autant plus respectable et courageuse. Et croyez moi ou non, les relations de travail et la communication change, cela nous aide à comprendre certains de ses agissements et son comportement et savoir pourquoi elle agit de cette façon. Je trouve cela tellement dommage toutes les murs que l'on construit entre les générations, cette hiérarchie entre les personnes ainsi que les barrières qu'on se met à nous-même à ne pas vouloir parler de notre vie. Au fond de quoi avons-nous peur ? Pleurer ? C'est montrer que nous sommes vivants. Je crois qu'on peut bien tout risquer.
Ici je suis amie avec des personnes de 3 à 70 ans et chacune m'apporte quelque chose de différent pour me construire. Il est aussi dommage de passer sa vie seulement avec les personnes de notre âge, nous avons tant à apprendre entourés de toutes les générations. Et le respect est le même, c'est la sagesse qui est différente.

Tony Meloto m'a demandé de parler devant les étudiants et la communauté. Parler de moi, de mon école et de ma spiritualité, de mon histoire en globale. Comme ça à l'improviste. Je faisais partie de l'assemblée, je n'avais pas prévu quoi que ce soit. Si on ne se met pas d'objectifs et de challenges à nous-même, les autres se chargeront de le faire à notre place, inconsciemment. Ce n'est pas facile de parler de sa vie, de passer par les choses compliquées que l'on aimerait éviter d'évoquer, mais c'est nécessaire. Nécessaire pour comprendre là où nous en sommes aujourd'hui, pour se poser des questions sur nous, notre comportement, nos actions et nos pensées et envisager notre avenir.

Je me sens un peu loin des élections présidentielles mais je me force à m'intéresser, m'impliquer, écouter, comprendre, réfléchir. Parce que cela fait partie de mon avenir. J'espère simplement revenir dans une France plus apaisée. Malgré les attaques terroristes qui persistent. Je crois que revenir à la base de la vie, la nature et la solidarité est le plus important. "Nous n'héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants." -Antoine de Saint-Exupéry.



lundi 3 avril 2017

Palaya Natural Farm

Je ne pouvais pas me retenir de poster maintenant cet article sur le week-end que je viens de passer, j'espère qu'il vous plaira.

Il y a des moments dans la vie, souvent très courts où l'on se sent complètement déconnecté du monde, ces instants où l'on se retrouve face à nous-même et plus rien ne nous préoccupe à part le moment présent, les soucis et les problèmes s'en vont et nous apprécions l'instant. C'est ce genre de moment que je n'avais pas eu depuis 3 mois et dont j'ai pu profiter à la Palaya Natural Farm (Palaya se compose de trois mots en Tagalog : Pala qui signifie "béni", laya qui signifie "liberté" et aya qui signifie "beau"). Cette ferme vaut largement un article entier, nous sommes parties avec 3 volontaires vendredi après-midi de la ferme enchantée pour la province de Rizal au sud-est de Manille. 
Après un long périple avec notre chauffeur perdu en plein milieu de la nuit, nous avons réussi à trouver cette Palaya Farm au fin fond de la campagne Philippine. Nous avons eu un très bel accueil et très vite nous sommes allées nous coucher après toutes ces heures de van. 

Le lendemain matin quel bonheur de se réveiller avec le bruit du torrent qui passe à nos pieds et les sublimes montagnes qui nous entourent. Après un super petit déjeuner, nous avons eu une visite de la ferme par le gérant "Tito Iggy" qui nous a raconté son histoire et sa vision des Philippines. C'est un homme très inspirant à mes yeux, un fervent optimiste quant à l'avenir des Philippines, sa ferme a été créée il y a deux ans et cultive des fruits du dragon, son objectif est de devenir la plus grande ferme de fruits du dragon des Philippines et grâce à l'argent qu'il gagne, il aide des familles pauvres du village d'à côté en leur construisant notamment des toilettes qu'ils n'ont pas. Il prône aussi l'agriculture biologique et le développement durable. Une phrase qu'il a prononcé m'a beaucoup marqué "We're human beings, not human havings." (Nous sommes des êtres humains, pas des "avoirs" humains) en bref nous sommes là pour être et non pas pour avoir, pour posséder. Il ne possède pas la ferme, chaque fermier qui y travaille possède une part de cette ferme.

En fin d'après-midi, les filles sont parties faire de la randonnée et dormir dans les montagnes, je suis restée à la ferme. J'avais besoin de me retrouver un peu seule, ça ne m'étais pas arrivée depuis très longtemps et je sentais que j'en avais besoin. Je ne regrette en rien ce choix, j'ai eu une grande discussion avec "Kuya Jun" (Kuya est une marque de respect aux Philippines, cela veut dire "grand frère" et "Ate" signifie "grande soeur"). Cet homme a environ trente ans, c'est lui qui nous a accueilli et qui nous a pris sous son aile pendant notre petit séjour. Il s'inquiétait beaucoup pour moi car il n'y avait pas d'électricité dans la cabane où je dormais, elle était assez loin de là où il logeait et comme j'étais seule, il avait peur qu'il m'arrive quelque chose. Nous avons donc beaucoup discuté, il m'a raconté son histoire et je crois qu'elle m'a profondément touché, je vous laisse avec celle-ci :

"Je m'appelle Jun et je ne suis jamais allé au lycée, j'étais un jeune très perturbateur, aussi bien pour mes professeurs que pour mes parents. Par chance j'ai réussi à trouver quand même du travail à Manille, plus tard, j'ai travaillé pendant 12 ans dans une grande entreprise, je gagnais 8,000 pesos par jours (environ 160€) et j'avais une femme, tout se passait très bien. Il y a un peu moins d'un an, j'ai commencé à boire de plus en plus, à sortir tous les soirs, j'étais devenu quelqu'un d'autre... Je me suis fais viré de mon travail, ma femme m'a quitté, je n'avais plus rien, j'étais complètement seul. J'ai envoyé des messages de détresse à mes oncles et tantes, il ne me restait plus que ça à faire, cela faisait très longtemps que je ne les avais pas contacté. Aucun d'entre eux n'a répondu, aucun sauf mon oncle Iggy, il m'a dit "Oh tu existes encore, je croyais que tu étais mort. Viens me voir à ma ferme." Je n'avais aucune envie d'aller en campagne, encore moins de travailler dans une ferme, je voyais ma vie en ville et seulement en ville. Mais c'était ma dernière chance, je n'avais pas le choix, j'y suis allée. Cela faisait un an que mon oncle avait commencé cette ferme, il m'a expliqué son projet, ses envies et m'a proposé de faire partie de son équipe. J'ai réfléchi, j'ai prié. J'ai dis à Dieu "Si c'est ici que je dois être, si le chemin que j'ai fais auparavant doit me mener à travailler ici alors demain, envoie moi un signe de lumière intense et mon choix sera fait." Le lendemain, je croyais rêver, je n'avais jamais vu un soleil briller si fort dans le ciel, la nuit, la lune était immense et éclairait la ferme comme jamais. J'avais choisi. Cela fait désormais un an que je travaille ici, j'ai réalisé l'aménagement paysager et construit toutes les installations pour les visiteurs. Comme mon oncle fait beaucoup d'aller-retour à Manille, je supervise aussi toute la ferme, j'apprends à connaître les gens du village à côté pour avoir de bonnes relations et voir l'avenir ensemble, avec eux, qu'une confiance s'installe entre nous. C'est beaucoup de responsabilités et parfois je suis fatigué car je suis seul avec "Ate Jo" qui elle s'occupe des cultures et des fermiers. Mais je me sens utile, mon travail a du sens."

Je ne savais pas tellement quoi répondre après ce récit... C'est une personne très humble et plutôt discrète et j'étais étonnée qu'il me raconte tout cela mais heureuse de ce partage inattendu. Il fait partie des personnes que l'on croise et qui nous bouleverse. Je le remercie pour ça. Il m'a aussi dit qu'il était fan des super héros, qu'il ne regardait que des films de super héros et qu'il rêvait d'en être un quand il était plus jeune, il avait une espèce d'innocence quand il parlait, j'avais l'impression que j'étais devant un adolescent. Je crois qu'il est devenu un super héro même si il n'a pas de super pouvoirs, il sauve le monde à sa manière et c'est ce que sont et ce que font les vrais super héros. 

J'espère que cette histoire résonnera en vous comme elle résonne en moi, un beau témoignage de vie très inspirant. Et cette pensée que l'homme n'est pas né pour posséder mais bien pour être et pour vivre. "Il y a des gens qui ont de l'argent et il y a des gens riches"



Avec notre très cher Kuya Jun


dimanche 2 avril 2017

Carabao

Nous sommes actuellement dans une période très chaude aux Philippines. Heureusement que je suis à la campagne où il fait plus frais qu'en ville. Hier matin à 8h00 il faisait déjà 29°C et il y a peu de vent, d'air la température se ressent davantage. Bon je ne vais pas me plaindre tout de même du beau temps et de la chaleur, je me sens chanceuse d'être ici, on se croirait en plein été français (bon il fait peut-être même un peu plus chaud).
Nous avons cependant eu des messages "d'alertes" de l'équipe de la ferme qui nous a bien recommandé de ne pas trop aller en plein soleil entre midi et 15h et de boire au minimum 3L d'eau par jours. Nous avons aussi la chance d'avoir une super piscine à disposition, cela nous permet de nous rafraîchir pendant nos moments de pause.
Ce que j'apprécie beaucoup c'est aussi de pouvoir acheter des fruits frais quand on veut, pendant les grosses chaleurs telles que maintenant, je m'achète une pastèque entière et la mange sur un ou deux jours, c'est génial.

Il y a une semaine avec deux volontaires, une entrepreneur sociale qui fabrique des produits à base de lait de carabao et 5 étudiants nous sommes allés au "PCC" le Philippines Carabao Center là où se trouve une grande partie de la production de lait de carabao (c'est un animal qui ressemble à un buffle). Nous étions là-bas pour représenter Gawad Kalinga qui est partenaire de ce centre et qui recevait un prix pour ce partenariat, nous avons été accueilli par le directeur et avons déjeuné dans la VIP room. Nous avons pu voir toute la chaîne de production et visiter la ferme, la salle de traite et nourrie les petits carabaos vieux de quelques semaines, voire quelques jours (ce qui est normalement interdit aux visiteurs). C'est vraiment bien ce qu'ils font car 98% des produits laitiers aux Philippines sont importés, il est donc important que le pays s'autonomise et devienne plus indépendant. Cependant en visitant la ferme, en voyant tous ces petits carabao dans leur box, séparés de leur mère dès la naissance je me suis sentie un peu mal. Ces bêtes ne piétinent jamais l'herbe et n'en mange d'ailleurs jamais, elles sont toujours enfermées. Là se pose un problème d'éthique (en tout cas personnellement), d'un côté il faut continuer à les encourager à produire leurs propres produits laitiers mais d'un autre côté plus environnemental et du respect des animaux, ça coince! Difficile de faire la part des choses, surtout dans un pays tel que les Philippines. 










Ils nous ont offert beaucoup de produits pour que l'on goûte, comment dire que du fait qu'ils n'ont pas l'habitude de faire des produits laitiers, le goût laisse à désirer. Par exemple ils ont fait un biscuit avec je suppose de la crème entre deux biscuits mais cette crème à exactement le goût de margarine, ce qui est vraiment immonde, où encore des chips avec de la peau de carabao, pas top top non plus. Mais du point de vue des boissons ils s'en sortent plutôt bien, ils vendent un "choco milk" qui est tout simplement du lait froid avec du cacao, c'est délicieux et ça me rappelait mon enfance. 

Voilà les quelques nouvelles de ces jours-ci, j'écrirais un autre article bientôt sur une autre ferme où nous sommes allés ce week-end qui est magnifique et qui m'a fait beaucoup de bien. J'ai pu prendre du temps pour me ressourcer tranquillement.