samedi 1 juillet 2017

Le début d'un nouveau chapitre


Et me revoilà désormais en France. Je m'excuse sincèrement pour ne pas avoir donné plus de nouvelles depuis mai, je vous avouerai que j'avais quelques difficultés à rester assise devant un ordinateur, profiter du lieu et des personnes qui m'entouraient était ma priorité. De plus, mon ordinateur m'a lâché à quelques semaines de mon retour et mes photos des Philippines ont été perdu avec. Bien sûr j'en suis très attristée mais il y a des choses plus grave, et puis cela me donnera une bonne excuse pour y retourner. 
J'avais une semaine de cours en rentrant, qui n'a pas été très reposante si bien que j'en ai fini par tomber dans les pommes à la fin de la semaine. Beaucoup de rendus, de soutenance, de réflexions, compliqué quand on n'a pas le recul suffisant pour parler de notre vécu... Retour un peu brutal dans ce monde que je n'appellerai pas un retour à la réalité car la réalité je l'ai quitté il y a une semaine. Alors maintenant que je suis en vacances, j'ai surtout besoin de solitude, de repos et de calme pour tranquillement réfléchir et revenir pleine d'énergie, prête à m'ouvrir à d'autres aventures. On a toujours besoin d'un temps de transition. 

Il est très facile de se donner de bonnes résolutions lorsque l'on revient d'une aventure telle que celle-ci, de vouloir dans un sens reprogrammer notre vie et se dire "ok maintenant je veux vivre comme ça et rien ne me fera changer d'avis." On est vite rattrapé par la réalité de la vie occidentale, nos repères réapparaissent petit à petit, nos habitudes d'avant, tout nous revient en mémoire et on se dit "ah ouais ça ne va pas être si simple que ça". Rien qu'un simple sourire à des inconnus dans la rue, essayez, les gens se sentent agressés, comme si on entrait dans leur petite bulle, leur intimité. Ce n'est peut-être pas la bonne façon de faire...

Alors que faire ? 
Se replier sur soi et ressasser les bons moments que l'on ne vivra plus n'est pas la bonne méthode. Parler de ces moments qui nous tiennent tellement à cœur n'intéresseront les gens que durant un certain temps. Et c'est normal, c'est tout à fait normal. 
Pour moi je pense que la solution est d'écrire. Car tout ce que l'on écrit est un peu un copié-collé, on sait que l'on peut penser à autres choses, les histoires seront toujours sur le papier. Il n'y a plus cette peur d'oublier. 

Je reviens et je reprends en main ce "Manifeste vagabond" qui m'avait quitté dans les mains d'une volontaire rentrée en France il y a quelques mois. Et tout fait sens, notamment un passage "les premiers grands voyages comme les premiers pas sur un chemin initiatique provoquent un immense désordre intérieur. Traverser un passage nécessaire en revenant." Notre entourage voudrait retrouver l'exacte même personne que nous étions lorsque nous sommes partis mais au fond ce n'est pas possible et je sais que même si moi-même j'essayais de reprendre ma vie de la même manière que je l'ai laissé en partant ce ne serait pas possible. Car entre les deux j'ai vécu, j'ai été témoin et j'ai rencontré des personnes qui m'ont marqué. 
J'ai beau vivre à des dizaines de milliers de kilomètres de ces gens, ils continueront à vivre en moi, je garderai contact avec eux, comme j'ai gardé contact avec mes proches lorsque j'étais loin. Ils sont ma famille aussi.
Et c'est ça qui tiendront sûrement mes nouvelles résolutions, faire vivre ces personnes à l'intérieur de moi et à travers moi dans mes actes au quotidien. C'est facile de le faire quand on vit avec ces personnes tous les jours, lorsqu'elles font parties de notre quotidien visuel. Mais toujours plus compliqué lorsqu'elles n'apparaissent plus dans notre champ de vision. 

En écrivant ce blog je ne voulais pas être là pour donner des leçons aux autres, conseiller ou obliger les gens à penser comme moi. Simplement partager ces moments marquants, partager ce qu'il se passait dans ma tête et mes questionnements, mes remises en question et mes réalisations. 
Et en rentrant je me dis qu'il y a du travail à faire, et surtout enlever de nos têtes que notre société est parfaite et qu'elle est un exemple. Oui elle est belle sur certains points mais il y a tant à apprendre des autres, tant! Le plus difficile sera de ne pas abandonner et baisser les bras, les gens ne font pas de cadeaux. Et surtout apporter la tendresse, la vulnérabilité et la sensibilité comme une beauté et non pas un fardeau, le rapport de force n'amènera que des conflits et des combats. 

Et c'est ici que se termine une aventure parmi tant d'autres, mais comme je l'ai dis, ce n'est qu'un chapitre du livre, l'histoire n'est pas terminée. 




lundi 15 mai 2017

Anniversaire et Bayani Challenge

Tel le petit prince sur sa planète, j’aime regarder les couchers de soleil chaque soir différents et plus beaux les uns que les autres. J’aime beaucoup ce moment de la journée très apaisant lorsque je me retrouve face à ce splendide spectacle. Tout devient plus calme.
























Donner un sens à sa vie, c’est une question que je me pose souvent et que tout le monde se pose et je trouve les réponses à cette question petit à petit. J’en suis arrivée à cette idée à laquelle j’essaye de me tenir tous les jours. Je me rends compte que lorsque l'on se lève le matin, nous nous disons toujours comment va être ma journée, qu’est-ce que je va manger, qu’est-ce que je vais faire et si ma journée va être belle et heureuse, nous cherchons quel sens nous allons bien pouvoir lui donner. Mais on se demande rarement comment sera la journée de notre voisin ou encore de cet inconnu à l’autre bout du monde, qu’est-ce qu’il va manger, est-ce qu’il va même avoir à manger ou encore si il aura une belle journée. Et c’est plus ça pour moi donner un sens à sa vie, se lever le matin et faire en sorte que chaque geste, chaque parole et chaque action que l’on fait dans notre travail ou bien notre vie quotidienne puisse aider cette personne, que ce soit notre voisin, notre famille, nos amis. Tout le monde souhaite la paix dans le monde, le bonheur, la joie, mais on le sait bien tout commence par soi-même, soyons un modèle pour les autres. Bien sûr il ne faut pas en arriver à s'oublier soi-même mais trouver un juste milieu et faire en sorte que nous puissions aussi bénéficier de nos actions pour les autres.
Ici j’apprends beaucoup à ne pas avoir peur de dire ce que je pense aux personnes qui m’entourent, notamment les bonnes choses, ce qu’ils m’apportent et pourquoi tous les jours je leur souri. Et ça, ça change beaucoup les relations, je dirai même que l’intensité des relations est décuplée. Être simplement sincère, vrai. Le non jugement est ici quelque chose que j’aperçois beaucoup, ou bien si quelqu’un pense quelque chose d’une personne il ira lui dire. Il n’y a pas ou peu de commérage derrière le dos des autres (sauf dans la communauté entre les titas ahah) et ça fait du bien!!! Bon après on apprend aussi à ne pas être susceptible, la franchise ils connaissent et lorsqu’ils n’aiment pas quelque chose que tu as fait ou que tu as dis, ils te le font savoir, ce qui peut faire mal mais au fond n’est pas si mal que ça.

Le week-end dernier nous avons célébré le 7ème anniversaire de la ferme enchantée, je crois que les philippins ont un problème avec l'organisation, ils font tout à la dernière minute. J'étais responsable de tous les stagiaires et des activités qu'ils organisaient, et la première réunion pour préparer cet événement qui était plutôt important a eu lieu 10 jours avant le week-end. Et comme je faisais aussi partie de l'équipe d'accueil avec les réservations et enregistrements, je me suis retrouvée le jeudi et vendredi à imprimer et découper les différents tickets que nous avions besoin pour les visiteurs. Je n'ai jamais été autant occupée et je n'ai jamais autant couru partout que ce week-end. Bref, autant vous dire que j'ai très peu dormi. En plus de cela, nous attendions autour de 400 visiteurs et nous en avons eu 200. Donc un peu déçue d'avoir dépensé tant d'énergie pour cela. Mais ensuite quelqu'un m'a dit que le plus important ce n'était pas le nombre de visiteurs, ou encore l'argent que gagnait la ferme mais bien le fait que toutes les personnes de la ferme ont travaillé ensemble pour préparer et organiser cet événement, que c'était le cœur qu'on y avait mit et les personnes que l'on avait appris à connaître. Et oui c'est sûr que c'est décevant de ne pas arriver à son but mais cela m'a permit de travailler avec des personnes avec lesquelles je n'avais jamais parlé auparavant. Et ça c'est chouette. Il y a une phrase de l'écrivain Paulo Coelho qui résume parfaitement ces moments de rush et de calme, je l'écris en anglais car en Français elle a peu de sens : "Life has a way of testing a person's will, either by having nothing happening at all or have everything happening at once." La vie teste les personnes en faisant en sorte que rien du tout n'arrive dans leur vie ou bien que tout leur arrive d'un coup. (traduction littérale)

De mercredi à samedi avec 20 stagiaires et 20 étudiants nous sommes partis faire un "Bayani Challenge" dans la province de Rizal au Sud de Manille. Bayani signifie "héro" en Tagalog, ces Bayani challenges consistent en 4 jours durant lesquels n'importe qui peut s'inscrire en tant que bénévole et aider Gawad Kalinga dans la construction de maisons, la rénovation des villages et jouer avec les enfants des communautés ainsi que préparer à manger et leur donner lorsqu'ils sont à l'école. Nous étions un peu déçus car nous n'avons pas construit de maisons comme on nous l'avait promit mais repeint certaines et joué avec les enfants. C'était tout de même sympa de passer du temps avec tout le monde notamment avec les étudiants. Cela m'a aussi permis de voir que Gawad Kalinga ce n'était pas que la ferme, de voir tous les bénévoles impliqués de partout aux Philippines, et c'est beau de voir un mouvement si grand, si impressionnant.

 








Les jours passent de plus en plus vite et le départ approche, je veux profiter un maximum des gens qui sont autour de moi, je sais que je pourrais toujours revoir les volontaires en France, mais pour ce qui est des Philippins, je ne sais pas quand sera la prochaine fois. Alors peut-être que je m'éloigne un peu des Français pour passer plus de temps avec les Philippins en ce moment, c'est l'une des raisons pour lesquelles je suis venue ici à la base, aller à la rencontre d'une autre culture.
J'ai vraiment ce sentiment d'être ici depuis très longtemps et que je vais passer toute ma vie ici, difficile d'imaginer que je ne verrais plus ces visages tous les jours, que je ne pourrais plus parler avec toutes ces personnes de vive voix et que je vais les quitter pour une durée indéterminée. Mais une chose est sûre, je reviendrai à la ferme enchantée. J'ai construit de réelles relations et amitiés et j'espère qu'elles dureront.

Mais ce n'est pas le moment de parler de la fin, il me reste encore un bon mois pour profiter de la ferme et ses habitants. J'essaye de me lever tôt tous les matins pour bien profiter de la journée. Je me suis aussi décidée à écrire un petit mot pour chaque étudiant, ou du moins ceux avec qui je suis proche, avant de partir. Je fais un petit point de cette expérience et je prends du temps pour simplement faire ce qui me fait plaisir avec les gens que j'aime.
Je suis impressionnée par leur bonté et leur soucis pour l'autre, ils renvoient de l'amour à profusion et je me demande parfois pourquoi nous avons tellement de retenue alors qu'il serait si simple d'aimer sans artifices et sans fioritures. J'ai été prise d'une migraine assez coriace pendant le Bayani Challenge qui était due je pense à une insolation et tout le monde était au petit soin, à aller me chercher de l'eau, me donner ci, me donner ça, à me faire des massages crâniens, tant les Français que les Philippins. J'ai reçu une grande vague d'amour en plein visage. Et c'est à ce moment que l'on se rend compte du pouvoir de l'amitié et de l'amour.

"L'une des façons de se rendre utile est d'inciter les gens à oublier certaines règles imposées par la société. Les règles importantes sont dictées par nos cœurs." -Paulo Coelho


lundi 1 mai 2017

Technologie et mentalité

Aujourd'hui, Tony Meloto est revenu de son périple. Il était parti pendant une semaine de la ferme.1 jour à Montréal, 1 jour à Ottawa, 1 jour à Toronto puis il a volé jusqu'à Londres et retour ensuite aux Philippines. Je l'ai vu aujourd'hui, il m'a salué de son habituel "Hi Cam, how are you?" il paraissait vraiment fatigué. Mais cela ne l'a pas empêché d'aller dire bonjour à tout le monde dans la ferme, de faire son inspection habituelle voir ce qui a changé, évolué depuis qu'il est parti. Cet homme m'impressionne de par sa force et sa persévérance.

Cela fait 3 semaines que nous n'avons plus de connexion wifi à la ferme enchantée, en plus de cela mon téléphone portable m'a lâché, comment vous dire que je suis totalement déconnectée, mais ça ne me fait pas de mal. Je vais donc dans un cybercafé pour pouvoir un peu d'internet et pouvoir travailler un minimum. Le téléphone est malgré tout un outil de travail majeur à la ferme, je me sens donc un peu en décalage, je me rends demain à Manille pour remédier à cela et renouveler mon VISA par la même occasion. 

Nous assistons ici à la ferme aux arrivées et départs des stagiaires et des volontaires. Ces derniers sont particulièrement difficiles quand on a passé beaucoup de temps avec ces personnes. Et encore ce n'est pas ça qui est compliqué, car je sais que je les reverrais en France, le plus dur c'est de les voir dire au revoir aux Philippins en ne sachant pas si ils se reverront un jour. Je crois que j'ai beaucoup d'empathie en moi ce qui peut être bien et une qualité mais parfois ça me fait défaut et cette hypersensibilité me joue des tours. Je ne peux pas retenir mon émotions lors de ces au revoir. Ce que j'apprécie particulièrement c'est qu'à chaque fois qu'un volontaire s'en va, on lui donne un carnet où tout le monde à écrit un petit mot avec pleins de photos pour qu'il ai un petit souvenir de son passage à la ferme enchantée. Je trouve ça touchant.

J'ai vraiment envie de rapporter un petit peu de cette mentalité philippine en France, lorsque l'on parle de la France aux gens ici et qu'on leur dit que parfois on ne connait pas nos voisins, qu'on ne regarde pas les gens dans la rue, ils trouvent ça choquant. Complètement aberrant même. Et en réfléchissant bien ils n'ont pas tort. Le regard est très important pour eux, et simplement le fait de montrer de la considération envers une personne, lui dire indirectement "je t'ai vu, je sais que tu existes, je te considère comme un autre moi." C'est tout simple et ça ne coûte rien. 
Un regard, un sourire. C'est seulement qu'en France nous n'avons pas la même interprétation, on se sent envahi dans notre espace personnel, on se demande pourquoi elle me sourit, qu'est-ce qu'elle pense au fond, bref on se pose trop de question. C'est mon point de vue bien sûr. Alors que c'est le moyen le plus simple de rendre heureux une personne et de se rendre heureux sois-même. 

Si chacun nous pouvions simplement avoir un regard envers l'autre, envers l'étranger, cette personne que l'on ne connait pas. 
D'autant plus en ce moment de clivage en France, lors des élections, je crois que l'unité est importante, et d'abord se rendre compte de nos points communs plutôt que nos différences. J'espère que la personne qui sera prochainement à la tête de notre pays ne sera pas assez folle pour oublier ces trois principes "liberté, égalité, fraternité" que nous avons fait français mais qui sont aussi des valeurs que nous devons porter en nous dans notre pays et au-delà de nos frontières. 


samedi 22 avril 2017

Vagabondage et Relations

Je reviens aujourd'hui sur mon blog. Le soleil brille, il fait très chaud, les gens me sourient et sont heureux. 1 mois et 30 jours, voilà précisément le temps qu'il me reste à passer à la Ferme Enchantée. Je me suis réveillée ce matin en réalisant que le compte à rebours était lancé depuis le début, mais plus les jours passent, plus il prend de la place dans ma tête. C'est compliqué d'avoir des projets, de vouloir construire des fortes relations dans ce genre de situation, je ne veux pas blesser par mon départ et je ne veux pas être blessée. Mais je me dis que c'est comme ça et je ne veux pas me priver de cette richesse sociale non plus. Et puis de toute manière c'est trop tard, ces relations sont déjà construites maintenant.
Je viens de terminer un livre qui m'a fait beaucoup réfléchir sur notre quotidien, sur l'émerveillement et notre comportement de tous les jours, il s'appelle "Manifeste vagabond" je l'ai découvert par hasard dans le dortoir où je suis. Je voulais vous partager un extrait :

"J'ai répété à voix haute ces mots de Thoreau : "Si nous prenions un instant pour cheminer en notre misérable compagnie, si nous ne souhaitions aucun mal, si nous cessions d'exister pour devenir pareils au cristal qui reflète un rayon de lumière, que ne refléterions-nous pas ! Quel univers apparaîtrait tout autour de nous, cristallisé et lumineux !"
Nous sommes des phares dans la nuit qui balancent leurs rayons dans l'inconnu. Parfois cette lumière sauve, le plus souvent elle tourne dans le vide. Qu'importe. Le vagabond se contente de rayonner. Ses actions ne sont pas rentables, elles visent la grâce. Il vit pour la beauté du geste.
Le vagabond est d'abord un homme relié à la dimension sensuelle et spirituelle de son être. Les pieds soudés à la terre, il croit aux elfes, aux esprits des bois. Ses vibrations trouvent un écho dans la nature. Sa façon d'être au monde est fondatrice.
Les scientifiques soutiennent que le battement d'ailes d'un papillon peut modifier la genèse d'un cyclone. Nos émotions pourraient alors avoir une répercussion sur l'énergie globale de la planète. L'air devient irrespirable dans le malheur. Conscients de l'unité organique de l'univers, nous devenons responsables de ce que nous donnons au monde.
La nature ignore la dualité. Elle est une inspiration et une expiration continues. Lorsqu'elle reprend son souffle, c'est la seconde magique ou tragique. L'éclosion de la vie.
[...] Ce n'est pas la tempête que l'on aime, mais le bateau qui en revient. Ce ciel déchiré semblait me dire : sois comme un soleil d'orage. Rayonne dans le tourment.
Comment ne pas avoir confiance en la vie face à une telle splendeur née du chaos ? Tous mes voyages, mes quêtes, mes errances m'ont mené à cette injonction : aime au-delà des apparences. Cherche le merveilleux. Il est là, toujours en attente. Les soleils d'orage nous montrent la voie : toute déchirure est ouverture."
Ces mots ont raisonné en moi et je les ai trouvé très justes.
Je voulais vous parler d'autre chose aussi, lundi dernier, ma responsable de stage a parlé devant toute une assemblée qui rassemblait les volontaires, les étudiants de la ferme et quelques personnes de la communauté. Elle a parlé d'un point sensible de sa vie, pour faire court elle a revu son père il y a peu qu'elle n'avait pas vu depuis 15 ans. Elle a eu pas mal de problèmes dans sa famille à cause de cela.
C'est une femme que je vois tous les jours, concrètement elle court partout, elle a beaucoup de responsabilités ici et elle s'est forgée une sorte de carapace à émotions. Elle porte énormément sur ses épaules et je l'ai vu très peu souvent se reposer ou prendre du temps pour elle. Je m'entends bien avec elle mais je n'ai pas plus de relations avec elle que ça.
La voir raconté ce passage difficile de sa vie devant tout le monde et fondre en larmes m'a profondément touché. Mais je crois que les larmes montrent simplement qu'elle est humaine, comme chacun, que malgré qu'elle soit ma "supérieure" et celle de beaucoup de personnes dans la ferme, elle n'a pas eu honte de raconté son histoire. Cela la rend d'autant plus respectable et courageuse. Et croyez moi ou non, les relations de travail et la communication change, cela nous aide à comprendre certains de ses agissements et son comportement et savoir pourquoi elle agit de cette façon. Je trouve cela tellement dommage toutes les murs que l'on construit entre les générations, cette hiérarchie entre les personnes ainsi que les barrières qu'on se met à nous-même à ne pas vouloir parler de notre vie. Au fond de quoi avons-nous peur ? Pleurer ? C'est montrer que nous sommes vivants. Je crois qu'on peut bien tout risquer.
Ici je suis amie avec des personnes de 3 à 70 ans et chacune m'apporte quelque chose de différent pour me construire. Il est aussi dommage de passer sa vie seulement avec les personnes de notre âge, nous avons tant à apprendre entourés de toutes les générations. Et le respect est le même, c'est la sagesse qui est différente.

Tony Meloto m'a demandé de parler devant les étudiants et la communauté. Parler de moi, de mon école et de ma spiritualité, de mon histoire en globale. Comme ça à l'improviste. Je faisais partie de l'assemblée, je n'avais pas prévu quoi que ce soit. Si on ne se met pas d'objectifs et de challenges à nous-même, les autres se chargeront de le faire à notre place, inconsciemment. Ce n'est pas facile de parler de sa vie, de passer par les choses compliquées que l'on aimerait éviter d'évoquer, mais c'est nécessaire. Nécessaire pour comprendre là où nous en sommes aujourd'hui, pour se poser des questions sur nous, notre comportement, nos actions et nos pensées et envisager notre avenir.

Je me sens un peu loin des élections présidentielles mais je me force à m'intéresser, m'impliquer, écouter, comprendre, réfléchir. Parce que cela fait partie de mon avenir. J'espère simplement revenir dans une France plus apaisée. Malgré les attaques terroristes qui persistent. Je crois que revenir à la base de la vie, la nature et la solidarité est le plus important. "Nous n'héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants." -Antoine de Saint-Exupéry.



lundi 3 avril 2017

Palaya Natural Farm

Je ne pouvais pas me retenir de poster maintenant cet article sur le week-end que je viens de passer, j'espère qu'il vous plaira.

Il y a des moments dans la vie, souvent très courts où l'on se sent complètement déconnecté du monde, ces instants où l'on se retrouve face à nous-même et plus rien ne nous préoccupe à part le moment présent, les soucis et les problèmes s'en vont et nous apprécions l'instant. C'est ce genre de moment que je n'avais pas eu depuis 3 mois et dont j'ai pu profiter à la Palaya Natural Farm (Palaya se compose de trois mots en Tagalog : Pala qui signifie "béni", laya qui signifie "liberté" et aya qui signifie "beau"). Cette ferme vaut largement un article entier, nous sommes parties avec 3 volontaires vendredi après-midi de la ferme enchantée pour la province de Rizal au sud-est de Manille. 
Après un long périple avec notre chauffeur perdu en plein milieu de la nuit, nous avons réussi à trouver cette Palaya Farm au fin fond de la campagne Philippine. Nous avons eu un très bel accueil et très vite nous sommes allées nous coucher après toutes ces heures de van. 

Le lendemain matin quel bonheur de se réveiller avec le bruit du torrent qui passe à nos pieds et les sublimes montagnes qui nous entourent. Après un super petit déjeuner, nous avons eu une visite de la ferme par le gérant "Tito Iggy" qui nous a raconté son histoire et sa vision des Philippines. C'est un homme très inspirant à mes yeux, un fervent optimiste quant à l'avenir des Philippines, sa ferme a été créée il y a deux ans et cultive des fruits du dragon, son objectif est de devenir la plus grande ferme de fruits du dragon des Philippines et grâce à l'argent qu'il gagne, il aide des familles pauvres du village d'à côté en leur construisant notamment des toilettes qu'ils n'ont pas. Il prône aussi l'agriculture biologique et le développement durable. Une phrase qu'il a prononcé m'a beaucoup marqué "We're human beings, not human havings." (Nous sommes des êtres humains, pas des "avoirs" humains) en bref nous sommes là pour être et non pas pour avoir, pour posséder. Il ne possède pas la ferme, chaque fermier qui y travaille possède une part de cette ferme.

En fin d'après-midi, les filles sont parties faire de la randonnée et dormir dans les montagnes, je suis restée à la ferme. J'avais besoin de me retrouver un peu seule, ça ne m'étais pas arrivée depuis très longtemps et je sentais que j'en avais besoin. Je ne regrette en rien ce choix, j'ai eu une grande discussion avec "Kuya Jun" (Kuya est une marque de respect aux Philippines, cela veut dire "grand frère" et "Ate" signifie "grande soeur"). Cet homme a environ trente ans, c'est lui qui nous a accueilli et qui nous a pris sous son aile pendant notre petit séjour. Il s'inquiétait beaucoup pour moi car il n'y avait pas d'électricité dans la cabane où je dormais, elle était assez loin de là où il logeait et comme j'étais seule, il avait peur qu'il m'arrive quelque chose. Nous avons donc beaucoup discuté, il m'a raconté son histoire et je crois qu'elle m'a profondément touché, je vous laisse avec celle-ci :

"Je m'appelle Jun et je ne suis jamais allé au lycée, j'étais un jeune très perturbateur, aussi bien pour mes professeurs que pour mes parents. Par chance j'ai réussi à trouver quand même du travail à Manille, plus tard, j'ai travaillé pendant 12 ans dans une grande entreprise, je gagnais 8,000 pesos par jours (environ 160€) et j'avais une femme, tout se passait très bien. Il y a un peu moins d'un an, j'ai commencé à boire de plus en plus, à sortir tous les soirs, j'étais devenu quelqu'un d'autre... Je me suis fais viré de mon travail, ma femme m'a quitté, je n'avais plus rien, j'étais complètement seul. J'ai envoyé des messages de détresse à mes oncles et tantes, il ne me restait plus que ça à faire, cela faisait très longtemps que je ne les avais pas contacté. Aucun d'entre eux n'a répondu, aucun sauf mon oncle Iggy, il m'a dit "Oh tu existes encore, je croyais que tu étais mort. Viens me voir à ma ferme." Je n'avais aucune envie d'aller en campagne, encore moins de travailler dans une ferme, je voyais ma vie en ville et seulement en ville. Mais c'était ma dernière chance, je n'avais pas le choix, j'y suis allée. Cela faisait un an que mon oncle avait commencé cette ferme, il m'a expliqué son projet, ses envies et m'a proposé de faire partie de son équipe. J'ai réfléchi, j'ai prié. J'ai dis à Dieu "Si c'est ici que je dois être, si le chemin que j'ai fais auparavant doit me mener à travailler ici alors demain, envoie moi un signe de lumière intense et mon choix sera fait." Le lendemain, je croyais rêver, je n'avais jamais vu un soleil briller si fort dans le ciel, la nuit, la lune était immense et éclairait la ferme comme jamais. J'avais choisi. Cela fait désormais un an que je travaille ici, j'ai réalisé l'aménagement paysager et construit toutes les installations pour les visiteurs. Comme mon oncle fait beaucoup d'aller-retour à Manille, je supervise aussi toute la ferme, j'apprends à connaître les gens du village à côté pour avoir de bonnes relations et voir l'avenir ensemble, avec eux, qu'une confiance s'installe entre nous. C'est beaucoup de responsabilités et parfois je suis fatigué car je suis seul avec "Ate Jo" qui elle s'occupe des cultures et des fermiers. Mais je me sens utile, mon travail a du sens."

Je ne savais pas tellement quoi répondre après ce récit... C'est une personne très humble et plutôt discrète et j'étais étonnée qu'il me raconte tout cela mais heureuse de ce partage inattendu. Il fait partie des personnes que l'on croise et qui nous bouleverse. Je le remercie pour ça. Il m'a aussi dit qu'il était fan des super héros, qu'il ne regardait que des films de super héros et qu'il rêvait d'en être un quand il était plus jeune, il avait une espèce d'innocence quand il parlait, j'avais l'impression que j'étais devant un adolescent. Je crois qu'il est devenu un super héro même si il n'a pas de super pouvoirs, il sauve le monde à sa manière et c'est ce que sont et ce que font les vrais super héros. 

J'espère que cette histoire résonnera en vous comme elle résonne en moi, un beau témoignage de vie très inspirant. Et cette pensée que l'homme n'est pas né pour posséder mais bien pour être et pour vivre. "Il y a des gens qui ont de l'argent et il y a des gens riches"



Avec notre très cher Kuya Jun


dimanche 2 avril 2017

Carabao

Nous sommes actuellement dans une période très chaude aux Philippines. Heureusement que je suis à la campagne où il fait plus frais qu'en ville. Hier matin à 8h00 il faisait déjà 29°C et il y a peu de vent, d'air la température se ressent davantage. Bon je ne vais pas me plaindre tout de même du beau temps et de la chaleur, je me sens chanceuse d'être ici, on se croirait en plein été français (bon il fait peut-être même un peu plus chaud).
Nous avons cependant eu des messages "d'alertes" de l'équipe de la ferme qui nous a bien recommandé de ne pas trop aller en plein soleil entre midi et 15h et de boire au minimum 3L d'eau par jours. Nous avons aussi la chance d'avoir une super piscine à disposition, cela nous permet de nous rafraîchir pendant nos moments de pause.
Ce que j'apprécie beaucoup c'est aussi de pouvoir acheter des fruits frais quand on veut, pendant les grosses chaleurs telles que maintenant, je m'achète une pastèque entière et la mange sur un ou deux jours, c'est génial.

Il y a une semaine avec deux volontaires, une entrepreneur sociale qui fabrique des produits à base de lait de carabao et 5 étudiants nous sommes allés au "PCC" le Philippines Carabao Center là où se trouve une grande partie de la production de lait de carabao (c'est un animal qui ressemble à un buffle). Nous étions là-bas pour représenter Gawad Kalinga qui est partenaire de ce centre et qui recevait un prix pour ce partenariat, nous avons été accueilli par le directeur et avons déjeuné dans la VIP room. Nous avons pu voir toute la chaîne de production et visiter la ferme, la salle de traite et nourrie les petits carabaos vieux de quelques semaines, voire quelques jours (ce qui est normalement interdit aux visiteurs). C'est vraiment bien ce qu'ils font car 98% des produits laitiers aux Philippines sont importés, il est donc important que le pays s'autonomise et devienne plus indépendant. Cependant en visitant la ferme, en voyant tous ces petits carabao dans leur box, séparés de leur mère dès la naissance je me suis sentie un peu mal. Ces bêtes ne piétinent jamais l'herbe et n'en mange d'ailleurs jamais, elles sont toujours enfermées. Là se pose un problème d'éthique (en tout cas personnellement), d'un côté il faut continuer à les encourager à produire leurs propres produits laitiers mais d'un autre côté plus environnemental et du respect des animaux, ça coince! Difficile de faire la part des choses, surtout dans un pays tel que les Philippines. 










Ils nous ont offert beaucoup de produits pour que l'on goûte, comment dire que du fait qu'ils n'ont pas l'habitude de faire des produits laitiers, le goût laisse à désirer. Par exemple ils ont fait un biscuit avec je suppose de la crème entre deux biscuits mais cette crème à exactement le goût de margarine, ce qui est vraiment immonde, où encore des chips avec de la peau de carabao, pas top top non plus. Mais du point de vue des boissons ils s'en sortent plutôt bien, ils vendent un "choco milk" qui est tout simplement du lait froid avec du cacao, c'est délicieux et ça me rappelait mon enfance. 

Voilà les quelques nouvelles de ces jours-ci, j'écrirais un autre article bientôt sur une autre ferme où nous sommes allés ce week-end qui est magnifique et qui m'a fait beaucoup de bien. J'ai pu prendre du temps pour me ressourcer tranquillement. 

mercredi 15 mars 2017

L'étranger

Ne vous inquiétez pas je ne vais pas faire un remake de l'étranger de Camus! Je voulais poster un article un peu différent des précédents sur un sujet en particulier, celui d'être étranger dans un pays. 
C'est un drôle de sentiment. Mais je crois que c'est important de se confronter un peu à cette situation dans un pays où on ne comprend pas la langue, où l'on veut aider, travailler et montrer le meilleur de nous-même, de notre pays. Parfois tout se passe bien mais parfois on se retrouve devant des situations compliquées, parfois les gens ne veulent pas vous parler, essayer de vous comprendre et discuter, parfois les gens ne veulent pas vous aider. 
Heureusement ce n'est pas le cas aux Philippines ou bien très peu, car malheureusement ayant été un pays colonisé pendant 300 ans par les Espagnols, puis les Américains, les Philippins ne se rendent pas compte de leurs richesses, de leur valeur et des richesses de leur pays, l'étranger est pour eux un cadeau. 
Étrange comparé à la France n'est-ce pas ? Nous qui n'avons jamais été colonisé, nous sommes restés bien au chaud chez nous sans oublier par contre de coloniser d'autres pays, ces pays qui ont donc appris notre langue. Et après nous nous étonnons que ces populations (majoritairement africaines) émigrent en France mais c'est bien logique pourtant! C'est le premier pays où ils souhaitent venir car c'est le pays dont ils connaissent la langue.
Tout cela pour dire que l'accueil des étrangers n'est certainement pas le même suivant le passé du pays qui l'accueille. Je ne vous ferais pas un dessin sur l'accueil des étrangers en France. 
Vous me parlerez sûrement de richesses matérielles, les Philippines sont très riches, contrairement à l'Afrique les terres sont fertiles, le climat est bon pour produire des fruits, des légumes, du cacao, du café mais les Philippins ne le font pas car ils n'en ont pas conscience et ne savent pas comment le faire à force d'avoir été traité comme des moins que rien pendant des centaines d'années. C'est une mentalité extrêmement compliquée à faire évoluer. 
Bien sûr on ne peut pas changer le passé, mais on peut participer à corriger les erreurs de nos ancêtres. Je ne veux pas partir en débat sur ce sujet, simplement exprimer mon point de vue et mon ressentit, je trouve important de parler de sujet tel quel surtout avec les élections et le bazar qu'il y a actuellement en France. 

Ici on me demande souvent "Quel est ton rêve ?" j'ai mis du temps avant de répondre à cette question et au final, guidée par des paroles des étudiants, de Tony Meloto ou bien des volontaires, je me suis dit : on dit aux étudiants ici à la ferme de ne pas partir travailler ailleurs, de rester dans leur pays et de le rendre meilleur. Mais moi qu'est-ce que je fais ? Je pars dans un autre pays pour un stage parce que je ne trouve pas ce que je veux en France, je veux travailler dans des ONG, aller dans d'autres pays mais pourquoi ? Pour fuir la mentalité de mon pays ? Parce qu'ailleurs on a plus besoin de moi ? Une chose que j'ai aussi appris durant ces quelques mois c'est que les Français (je fais une généralité) n'ont peut-être pas une pauvreté d'argent, de biens, mais une pauvreté de cœur et d'esprit et cela fait une différence majeure. 
Parce qu'on doit changer la pauvreté matérielle des pauvres mais ce changement passe aussi par le changement de mentalité des riches et cela est bien plus compliqué...
Alors c'est peut-être ça mon rêve, changer les mentalités pour que tout le monde avance ensemble et créer, innover, inventer, rêver et avoir de l'espoir pour l'avenir du monde. L'ONG Gawad Kalinga a commencé avec rien, juste un homme et un rêve, cela me fait croire que tout est possible.  

Et vous ? Quel est votre rêve ?